Si à 30 ans, on ne s'est pas fait piquer une photo par Paris Match, c'est qu'on a quand même raté sa vie !

Mises à jour : elles se trouvent en bas de l’article, suite à l’évolution de la situation depuis le moment de publication.

Le titre est volontairement provocateur (mais non Jacques, Internet c’est bien) mais cette après-midi, ça m’a fait tout bizarre de voir une note sur Facebook mentionnant un article de Paris Match. Il est intitulé Éric Sampietro, la cuisine du mousquetaire. Cet article a attiré ma curiosité pour 2 raisons :

  1. j’y ai déjà mangé et beaucoup apprécié le décors ainsi que les plats
  2. l’image de tête de l’article utilisait une de mes photos

Extrait de l

Oncle Tom vs. Paris Match peut commencer.

§Le problème initial

Le problème de l’apparition de cette photo en tête d’article tient à un élément bien précis : la licence d’utilisation de la photo.
Toutes mes photos publiées sur Flickr sont sous licence Creative Commons BY-NC-ND ce qui revient à laisser la liberté de reproduire, distribuer et communiquer cette création au public sous ces conditions explicites :

  • citation de parternité (avec une référence vers l’œuvre d’origine) ;
  • pas d’utilisation commerciale ;
  • pas de modification.

Les trois critères sont entièrement baffoués :

  1. le crédit photo marqué est “Photo DR” ; autrement dit, “Droits Réservés” − on ne cite pas l’auteur (qui n’est peut-être pas connu − maintenant c’est le cas ;-)) ;
  2. l’image a été recadrée ;
  3. quid de l’utilisation commerciale ? L’article apparaît gratuitement sur le site Web de Paris Match. Ça pourrait presque être bon sur ce point si cet article n’avait pas été repris sur la version papier de Paris Match, et partagé au format PDF sur le site de la journaliste associée, Julie Andrieu.
    Bref, autant d’arguments qui donneraient envie de tirer à vue sur Paris Match, ou tout du moins la ou les personnes ayant tranquillement utilisé cette photo sans se soucier de sa licence d’utilisation. Après tout c’est la crise, autant réduire le respect autant que les coûts.

§Prise de contact avec Paris Match

On est dimanche après-midi, je contacte donc Paris Match en suivant le lien judicieusement intitulé Signaler du contenu illicite. Il est 13h30 et j’y tiens ces propos :

Adresse de la page : http://www.parismatch.com/Conso-Match/Gastronomie/Actu/Eric-Sampietro-la-cuisine-du-mousquetaire-141329/

Votre message :

Bonjour,

j’ai pris connaissance aujourd’hui de la présence d’une de mes photos pour illustrer l’article dont le lien est mentionné ci-avant.

Cette photo est publiée sur le Web depuis le 16 décembre 2008 à cette adresse : http://www.flickr.com/photos/the-jedi/3111920922/ (dont une taille plus élevée que celle vous avez).

Le problème, pour vous :

  • vous indiquez “Photo Dr”. Or ça m’étonnerait que ça soit un droit réservé pour vous
  • la photo est licenciée sous Creative Commons NC-BY-ND. Autrement dit, elle doit être republiée telle quelle et dans un contexte non commercial. Si ce n’est pas le cas il faut prendre contact avec l’auteur et lui demander une permission, moyennant finances ou pas.

La balle est dans votre camp maintenant.

Merci d’avance

À 14h30, l’image est retirée de l’article sur le Web et je reçois une réponse cordiale du rédacteur en chef s’excusant et me faisant part du retrait. C’est d’autant plus appréciable que je n’attendais franchement pas de réponse un dimanche après-midi, surtout de la part d’une personne se présentant comme encore en vacances (et donc pas forcément au courant de subtilités concernant tel ou tel article).

J’apprends toutefois que le site Web de Paris Match, tout du moins cet article, ne fait que reprendre des articles de la version papier en retravaillant la mise en forme. Autrement dit, à leur niveau, la vérification des conditions d’utilisation d’une image sont censés être déjà aboutis. Je comprends donc qu’ils ne refassent pas le travail de vérification.

On pourrait imaginer que je n’ai plus à faire valoir mes droits sur la photo vu qu’elle est retirée de l’article. Il y a pourtant encore plusieurs problèmes :

Extrait

§Un cheminement compliqué

Si on peut facilement retirer une image problématique sur le Web (mais on laisse des traces, n’oublions pas), quid de la version papier qui elle, est belle et bien imprimée, diffusée et vendue. Bref, je dois faire valoir mes droits.

Mais des droits sur quoi ? La visite et la prise de photos n’ont pu être réalisées qu’avec l’accord du chef (on ne rentre pas dans la cuisine comme ça, pour aller demander du pain) … mais il n’y a aucune trace écrite (depuis, je me trimballe avec des feuilles d’autorisation).
Là encore, publier la photo d’une personne sans son consentement peut poser problèmes mais dans son cas, je considérais qu’un chef étoilé était suffisamment “public” pour qu’on en diffuse des photos. Pour le coup, la republication non-commerciale est un frein aux abus, dans la mesure où la licence est respectée bien sûr.

Une raison supplémentaire pour prendre du recul est l’origine de la photo. Finalement, d’où vient-elle ? On peut supposer qu’elle vient de ma galerie Flickr. Après tout, elle ressort en première position quand on cherche sampietro eric dans Google Images − ou très bien placée avec la requête Éric Sampietro.
Et pourtant, elle a également été reprise dans la galerie de l’organisatrice de la journée chez le chef Sampietro (cf. c notre plat ou le sens du détail). Leur faible qualité pourrait expliquer cet effet de grossissement ressenti sur l’article en ligne de Paris Match.

Dans tous les cas, la propriété intellectuelle était clairement indiquée, à défaut d’une licence explicite dans le dernier exemple.

§Conclusion

J’espère avoir une réponse claire et définitive dans la semaine. La journaliste à l’origine de l’article n’était peut-être pas au courant, ou pas. J’ose espérer qu’il s’agit d’une erreur maladroite et non pas un abus déguisé. Vu de notre petit nuage d’internaute ça peut paraître aberrant mais vu du point de vue d’une rédaction, j’imagine à quel point ce détail est noyé dans les autres contraintes du bouclage.
Ça n’excuse rien cependant.

Quoiqu’il en soit, le cheminement d’une image est long et parsemé d’intermédiaires. Autant de risques qu’une licence spécifique saute (et en arrange, c’est selon). Fournir des images à un ami ou une connaissance ne lui laisse pas pour autant les droits de les réutiliser comme bon lui semble. Mais encore faut-il que ces personnes aient conscience de cet aspect légal.

Référants d

La bonne nouvelle dans tout ça, c’est le pic de consultation de la photo (plus de 270 vues en l’espace de 6 heures). La provenance des visiteurs est aussi assez caractéristiques. Facebook (420+ amis) représente davantage de trafic que Twitter (600+ contacts). Il y a eu beau avoir davantage de retweets, le suivi de l’activité sur Facebook offre davantage de concentration sur l’information … et davantage de temps de vie.
J’ai également gagné 2 contacts Flickr ainsi qu’une poignée sur Twitter.

Qui a dit que la polémique ne faisait pas vendre ? ;-)

J’en profite pour partager quelques liens sur la photographie et les contraintes juridiques :

Quant à moi, j’ai un sacré retard en terme de billets mais ça me fera une bonne transition pour parler la prochaine fois de Réussir son blog professionnel, 2 mois après son lancement ;-)

§Mise à jour

§Lundi 9 novembre 2009 ~ 17h30

La rédactrice de l’article, qui fait donc partie de la société ayant fourni l’article à Paris Match, me contacte pour m’expliquer comment ça s’est  passé. La photo lui a été communiquée par Éric Sampietro. Photo qui est donc ensuite remontée côté Paris Match. De son point de vue, ce n’est ni de sa faute ni celle de Paris Match puisqu’ils n’ont fait “que” récupérer une photo qu’on leur a communiqué.

Je lui fais remarquer à plusieurs reprises qu’un chef cuisinier n’est clairement pas un juriste et je lui demande si d’habitude ils ne se posent pas plus de questions que ça, surtout quand la personne qui fournit la photo est SUR la photo (autrement dit, l’auteur est tout autre). Mais visiblement, «je vais loin» dans le raisonnement.

Sa proposition est de retirer le PDF du site (demander l’autorisation n’a pas semblé être une option envisageable …) mais elle n’a pas de pouvoir côté Paris Match, version papier.
Je suggère donc de garder les choses en l’état et d’attendre le retour de l’iconographe de Paris Match pour savoir qui a commis l’erreur (et donc demander autorisation, et le reste).