# Ce (code) qui nous lit 14 avril 2023 — [MiXiT][] {.footer} [MiXiT]: https://mixitconf.org/fr/2023/
# rien dans mon enfance Éric Pessan (2022). [978-2-490-36434-3](https://www.zotero.org/groups/5025104/thomas_parisot_-_prsentations/collections/7QSWMJ7W/items/GUH6LNMT). ~~~~ Rien dans mon enfance ne m'a entraîné à perpétuellement traquer les codes wi-fi. Rien dans mon enfance où la musicassette allait tuer le 33 tours n'aurait pu me persuader que devenu grand je continuerais d'acheter des disques vinyles. Rien dans mon enfance où je roulais des romans dans la poche de mon jean n'aurait pu me faire croire que des lecteurs puissent s'inquiéter de ne pas avoir assez de batterie pour finir leur livre. @@@ # La Vie algorithmique
Critique de la raison numérique Éric Sadin (2021). [978-2-37309-089-5](https://www.zotero.org/groups/5025104/thomas_parisot_-_prsentations/collections/7QSWMJ7W/items/L422L9SE). ~~~~  Vous dormez paisiblement au cœur de la nuit. Dans le froid de l'hiver, le système de chauffage autosuffisant de votre chambre se module en fonction des conditions climatiques extérieures et de votre présence, détectée par un capteur _ad hoc_. La température ambiante s'élève à 12°C, c'est votre couette intelligente qui s'assure ici du relais de votre confort thermique. Votre machine à laver entame un cycle de lavage en mode silencieux, activée par le système régional de gestion automatisée des stocks d'énergie/profitant d'une microréserve disponible qui vous sera facturée à un prix plancher puisque corrélé aux circonstances favorables. Vu la qualité générale de votre sommeil évaluée mul-ticritères + la densité de vos activités à venir, votre assistant numérique décide de vous réveiller plus tôt qu'initialement envi-sagé, soit maintenant à 5h57. Aujourd'hui la modalité de réveil choisie correspond à la diffusion à volume feutré de la matinale de la station de radio qui aura décidé de couvrir le plus largement une nouvelle qui vous intéresse particulièrement: la chute brutale du cours du blé à la Bourse de Chicago. Cette information recouvre pour vous une portée anxiogène: l'atmosphère lumineuse s'ajuste à faible niveau [17 lux], associée à une ambiance chromatique orangée à l'influence rassérénante. @@@ # Code is Law Lawrence Lessig (2000). [framablog.org](https://framablog.org/2010/05/22/code-is-law-lessig/). ~~~~  À chaque époque son institution de contrôle, sa menace pour les libertés. Nos Pères Fondateurs craignaient la puissance émergente du gouvernement fédéral ; la constitution américaine fut écrite pour répondre à cette crainte. John Stuart Mill s’inquiétait du contrôle par les normes sociales dans l’Angleterre du 19e siècle ; il écrivit son livre De la Liberté en réaction à ce contrôle. Au 20e siècle, de nombreux progressistes se sont émus des injustices du marché. En réponse furent élaborés réformes du marché, et filets de sécurité. ==Nous sommes à l’âge du cyberespace. Il possède lui aussi son propre régulateur, qui lui aussi menace les libertés. Mais, qu’il s’agisse d’une autorisation qu’il nous concède ou d’une conquête qu’on lui arrache, nous sommes tellement obnubilés par l’idée que la liberté est intimement liée à celle de gouvernement que nous ne voyons pas la régulation qui s’opère dans ce nouvel espace, ni la menace qu’elle fait peser sur les libertés.== Ce régulateur, c’est le code : le logiciel et le matériel qui font du cyberespace ce qu’il est. Ce code, ou cette architecture, définit la manière dont nous vivons le cyberespace. Il détermine s’il est facile ou non de protéger sa vie privée, ou de censurer la parole. Il détermine si l’accès à l’information est global ou sectorisé. Il a un impact sur qui peut voir quoi, ou sur ce qui est surveillé. Lorsqu’on commence à comprendre la nature de ce code, on se rend compte que, d’une myriade de manières, le code du cyberespace régule. Cette régulation est en train de changer. Le code du cyberespace aussi. Et à mesure que ce code change, il en va de même pour la nature du cyberespace. Le cyberespace est un lieu qui protège l’anonymat, la liberté d’expression et l’autonomie des individus, il est en train de devenir un lieu qui rend l’anonymat plus difficile, l’expression moins libre et fait de l’autonomie individuelle l’apanage des seuls experts. Mon objectif, dans ce court article, est de faire comprendre cette régulation, et de montrer en quoi elle est en train de changer. Car si nous ne comprenons pas en quoi le cyberespace peut intégrer, ou supplanter, certaines valeurs de nos traditions constitutionnelles, nous perdrons le contrôle de ces valeurs. La loi du cyberespace – le code – les supplantera. Ce que contrôle le code Le code élémentaire d’Internet est constitué d’un ensemble de protocoles appelé TCP/IP. Ces protocoles permettent l’échange de données entre réseaux interconnectés. Ces échanges se produisent sans que les réseaux aient connaissance du contenu des données, et sans qu’ils sachent qui est réellement l’expéditeur de tel ou tel bloc de données. Ce code est donc neutre à l’égard des données, et ignore tout de l’utilisateur. Ces spécificités du TCP/IP ont des conséquences sur la régulabilité des activités sur Internet. Elles rendent la régulation des comportements difficile. Dans la mesure où il est difficile d’identifier les internautes, il devient très difficile d’associer un comportement à un individu particulier. Et dans la mesure où il est difficile d’identifier le type de données qui sont envoyées, il devient très difficile de réguler l’échange d’un certain type de données. Ces spécificités de l’architecture d’Internet signifient que les gouvernements sont relativement restreints dans leur capacité à réguler les activités sur le Net. Dans certains contextes, et pour certaines personnes, cette irrégulabilité est un bienfait. C’est cette caractéristique du Net, par exemple, qui protège la liberté d’expression. Elle code l’équivalent d’un Premier amendement dans l’architecture même du cyberespace, car elle complique, pour un gouvernement ou une institution puissante, la possibilité de surveiller qui dit quoi et quand. Des informations en provenance de Bosnie ou du Timor Oriental peuvent circuler librement d’un bout à l’autre de la planète car le Net empêche les gouvernements de ces pays de contrôler la manière dont circule l’information. Le Net les en empêche du fait de son architecture même. Mais dans d’autres contextes, et du point de vue d’autres personnes, ce caractère incontrôlable n’est pas une qualité. Prenez par exemple le gouvernement allemand, confronté aux discours nazis, ou le gouvernement américain, face à la pédo-pornographie. Dans ces situations, l’architecture empêche également tout contrôle, mais ici cette irrégulabilité est considérée comme une tare. Et il ne s’agit pas seulement des discours nazis et de pornographie enfantine. Les principaux besoins de régulation concerneront le commerce en ligne : quand l’architecture ne permet pas de transactions sécurisées, quand elle permet de masquer facilement la source d’interférences, quand elle facilite la distribution de copies illégales de logiciels ou de musique. Dans ces contextes, le caractère incontrôlable du Net n’est pas considéré comme une qualité par les commerçants, et freinera le développement du commerce. Que peut-on y faire ? Nombreux sont ceux qui pensent qu’il n’y a rien à faire : l’irrégulabilité d’Internet est définitive. Il n’est rien que nous puissions faire pour y remédier. Aussi longtemps qu’il existera, Internet restera un espace incontrôlable. C’est dans sa nature même. Mais rien n’est plus dangereux pour l’avenir de la liberté dans le cyberespace que de croire la liberté garantie par le code. Car le code n’est pas figé. L’architecture du cyberespace n’est pas définitive. L’irrégulabilité est une conséquence du code, mais le code peut changer. D’autres architectures peuvent être superposées aux protocoles de base TCP/IP, et ces nouvelles couches peuvent rendre l’usage du Net fondamentalement contrôlable. Le commerce est en train de construire une architecture de ce type. Le gouvernement peut y aider. Les deux réunis peuvent transformer la nature même du Net. Il le peuvent, et le font. D’autres architectures Ce qui rend le Net incontrôlable, c’est qu’il est difficile d’y savoir qui est qui, et difficile de connaître la nature des informations qui y sont échangées. Ces deux caractéristiques sont en train de changer : premièrement, on voit émerger des architectures destinées à faciliter l’identification de l’utilisateur, ou permettant, plus généralement, de garantir la véracité de certaines informations le concernant (qu’il est majeur, que c’est un homme, qu’il est américain, qu’il est avocat). Deuxièmement, des architectures permettant de qualifier les contenus (pornographie, discours violent, discours raciste, discours politique) ont été conçues, et sont déployées en ce moment-même. Ces deux évolutions sont développées sans mandat du gouvernement ; et utilisées conjointement elles mèneraient à un degré de contrôle extraordinaire sur toute activité en ligne. Conjointement, elles pourraient renverser l’irrégulabilité du Net. Tout dépendrait de la manière dont elles seraient conçues. Les architectures ne sont pas binaires. Il ne s’agit pas juste de choisir entre développer une architecture permettant l’identification ou l’évaluation, ou non. Ce que permet une architecture, et la manière dont elle limite les contrôles, sont des choix. Et en fonction de ces choix, c’est bien plus que la régulabilité qui est en jeu. Prenons tout d’abord les architectures d’identification, ou de certification. Il existe de nombreuses architectures de certification dans le monde réel. Le permis de conduire, par exemple. Lorsque la police vous arrête et vous demande vos papiers, ils demandent un certificat montrant que vous êtes autorisé à conduire. Ce certificat contient votre nom, votre sexe, votre âge, votre domicile. Toutes ces informations sont nécessaires car il n’existe aucun autre moyen simple pour établir un lien entre le permis et la personne. Vous devez divulguer ces éléments vous concernant afin de certifier que vous êtes le titulaire légitime du permis. Mais dans le cyberespace, la certification pourrait être ajustée beaucoup plus finement. Si un site est réservé aux adultes, il serait possible – en utilisant des technologies de certification – de certifier que vous êtes un adulte, sans avoir à révéler qui vous êtes ou d’où vous venez. La technologie pourrait permettre de certifier certains faits vous concernant, tout en gardant d’autres faits confidentiels. La technologie dans le cyberespace pourrait fonctionner selon une logique de « moindre révélation », ce qui n’est pas possible dans la réalité. Là encore, tout dépendrait de la manière dont elle a été conçue. Mais il n’est pas dit que les choses iront dans ce sens. Il existe d’autres architectures en développement, de type « une seule carte pour tout ». Dans ces architectures, il n’est plus possible de limiter simplement ce qui est révélé par un certificat. Si sur un certificat figure votre nom, votre adresse, votre âge, votre nationalité, ainsi que le fait que vous êtes avocat, et si devez prouver que vous êtes avocat, cette architecture certifierait non seulement votre profession, mais également tous les autres éléments vous concernant qui sont contenus dans le certificat. Dans la logique de cette architecture, plus il y a d’informations, mieux c’est. Rien ne permet aux individus de faire le choix du moins. La différence entre ces deux conceptions est que l’une garantit la vie privée, alors que l’autre non. La première inscrit le respect de la vie privée au cœur de l’architecture d’identification, en laissant un choix clair à l’utilisateur sur ce qu’il veut révéler ; la seconde néglige cette valeur. Ainsi, le fait que l’architecture de certification qui se construit respecte ou non la vie privée dépend des choix de ceux qui codent. Leurs choix dépendent des incitations qu’ils reçoivent. S’il n’existe aucune incitation à protéger la vie privée – si la demande n’existe pas sur le marché, et que la loi est muette – alors le code ne le fera pas. L’identification n’est qu’un exemple parmi d’autres. Prenons-en un deuxième, concernant la confidentialité des informations personnelles. RealJukebox est une technologie permettant de copier un CD de musique sur un ordinateur, ou de de télécharger de la musique sur le Net pour la stocker sur un disque dur. Il est apparu en octobre que le système était un peu trop curieux : il inspectait discrètement le disque dur de l’utilisateur, puis transférait à l’entreprise le fruit de ses recherches. Tout ceci en secret, bien entendu : RealNetworks n’avait prévenu personne que son produit collectait et transférait des données personnelles. Quand cet espionnage a été découvert, l’entreprise a tout d’abord tenté de justifier cette pratique (en avançant qu’aucune donnée personnelle n’était conservée), mais elle a fini par revenir à la raison, et a promis de ne plus recueillir ces données. Ce problème est dû, une fois de plus, à l’architecture. Il n’est pas facile de dire qui espionne quoi, dans le cyberespace. Bien que le problème puisse être corrigé au niveau de l’architecture (en faisant appel à la technologie P3P, par exemple), voici un cas pour lequel la loi est préférable. Si les données personnelles étaient reconnues comme propriété de l’individu, alors leur collecte sans consentement exprès s’apparenterait à du vol. Dans toutes ces circonstances, les architectures viendront garantir nos valeurs traditionnelles – ou pas. À chaque fois, des décisions seront prises afin de parvenir à une architecture d’Internet respectueuse de ces valeurs et conforme à la loi. Les choix concernant le code et le droit sont des choix de valeurs. Une question de valeurs Si c’est le code qui détermine nos valeurs, ne devons-nous pas intervenir dans le choix de ce code ? Devons-nous nous préoccuper de la manière dont les valeurs émergent ici ? En d’autres temps, cette question aurait semblé incongrue. La démocratie consiste à surveiller et altérer les pouvoirs qui affectent nos valeurs fondamentales, ou comme je le disais au début, les contrôles qui affectent la liberté. En d’autres temps, nous aurions dit « Bien sûr que cela nous concerne. Bien sûr que nous avons un rôle à jouer. » Mais nous vivons à une époque de scepticisme à l’égard de la démocratie. Notre époque est obsédée par la non-intervention. Laissons Internet se développer comme les codeurs l’entendent, voilà l’opinion générale. Laissons l’État en dehors de ça. Ce point de vue est compréhensible, vu la nature des interventions étatiques. Vu leurs défauts, il semble préférable d’écarter purement et simplement l’État. Mais c’est une tentation dangereuse, en particulier aujourd’hui. Ce n’est pas entre régulation et absence de régulation que nous avons à choisir. Le code régule. Il implémente – ou non – un certain nombre de valeurs. Il garantit certaines libertés, ou les empêche. Il protège la vie privée, ou promeut la surveillance. Des gens décident comment le code va se comporter. Des gens l’écrivent. La question n’est donc pas de savoir qui décidera de la manière dont le cyberespace est régulé : ce seront les codeurs. La seule question est de savoir si nous aurons collectivement un rôle dans leur choix – et donc dans la manière dont ces valeurs sont garanties – ou si nous laisserons aux codeurs le soin de choisir nos valeurs à notre place. Car c’est une évidence : quand l’État se retire, la place ne reste pas vide. Les intérêts privés ont des objectifs qu’ils vont poursuivre. En appuyant sur le bouton anti-Étatique, on ne se téléporte pas au Paradis. Quand les intérêts gouvernementaux sont écartés, d’autres intérêts les remplacent. Les connaissons-nous ? Sommes-nous sûrs qu’ils sont meilleurs ? Notre première réaction devrait être l’hésitation. Il est opportun de commencer par laisser le marché se développer. Mais, tout comme la Constitution contrôle et limite l’action du Congrès, les valeurs constitutionnelles devraient contrôler et limiter l’action du marché. Nous devrions examiner l’architecture du cyberespace de la même manière que nous examinons le fonctionnement de nos institutions. Si nous ne le faisons pas, ou si nous n’apprenons pas à le faire, la pertinence de notre tradition constitutionnelle va décliner. Tout comme notre engagement autour de valeurs fondamentales, par le biais d’une constitution promulguée en pleine conscience. Nous resterons aveugles à la menace que notre époque fait peser sur les libertés et les valeurs dont nous avons hérité. La loi du cyberespace dépendra de la manière dont il est codé, mais nous aurons perdu tout rôle dans le choix de cette loi. Lawrence Lessig est professeur de droit des affaires au Centre Berkman de la Harvard Law School. Son dernier livre, « Le code, et les autres lois du cyberespace » (Basic Books), vient d’être publié (voir http://code-is-law.org). Le site du Centre Berkman pour l’Internet et la Société est http://cyber.law.harvard.edu. @@@ # Manifeste agile Beck & cie (2001). [manifesteagile.fr](https://manifesteagile.fr). ~~~~  Manifeste pour le Développement Agile de Solutions Nous découvrons de meilleures façons de développer des solutions, par notre propre pratique et en aidant les autres dans leur pratique. Grâce à ce travail, nous en sommes venus à valoriser : - Les individus et leurs interactions, de préférence aux processus et aux outils, - Des solutions opérationnelles, de préférence à une documentation exhaustive, - La collaboration avec les clients, de préférence aux négociations contractuelles, - La réponse au changement, de préférence au respect d’un plan. @@@ # rien dans mon enfance Éric Pessan (2022). [978-2-490-36434-3](https://www.zotero.org/groups/5025104/thomas_parisot_-_prsentations/collections/7QSWMJ7W/items/GUH6LNMT). ~~~~  Rien dans mon enfance ne m'a révélé que plus tard, je passerais mon temps à entrer des mots de passe sur des claviers, à les perdre, à les recher-cher, à en demander de nouveaux, à recopier des captchas pour prouver à une machine que je ne suis pas un robot. Rien dans mon enfance ne m'a résigné à être filmé pour ma sûreté, géolocalisé pour mieux me servir, contrôlé par des radars pour me garantir une meilleure sécurité, espionné et archivé pour cerner au mieux mes centres d'intérêt, tracé pour la garantie d'une meilleure assurance confiance. Rien dans mon enfance, où mon père faisait des détours pour arranger les autostoppeurs et où il était possible de compter sur une longue chaîne de solidarité d'amis d'amis pour trouver un canapé où dormir, ne posait les fondations de l'ubérisation des rapports humains, des Blablacaristes et des Airbnbistes, de la commercialisation constante de nos services et de nos gestes. @@@ # ils
défaut de langue Natyot (2021). [979-10-96861-40-8](https://www.zotero.org/groups/5025104/thomas_parisot_-_prsentations/collections/7QSWMJ7W/items/4R2TY6KS/item-details). ~~~~  ils sont un petit groupe une dizaine de personnes maximum.\ ils ont un problème\ ils veulent le résoudre\ en groupe\ petit.\ ils se mettent en cercle\ comme tous les lundis.\ leurs yeux se croisent,\ puis s'abaissent.\ la fréquentation du petit groupe est assidue,\ ils veulent vraiment résoudre leur problème,\ ils s'entêtent\ il faut que ça sorte.\ ils exposent leur problème\ chacun leur tour.\ ils ont tous le même problème\ le petit groupe sert à ça\ voir qu'on n'est pas seul\ avec ce problème.\ ils racontent leur semaine\ ils s'expriment librement\ certains mieux que d'autres\ (la fluidité de la parole n'est pas l'apanage de tous)\ ils s'écoutent mutuellement\ ils ne se moquent pas\ c'est une règle dans le petit groupe\ ils respectent le problème de chacun qui est le même pour tous\ ils se félicitent de leur avancée\ dans le combat du problème\ ils se donnent la force de continuer\ ils font bloc.\ parfois certains craquent\ parce qu'ils n'avancent pas\ ils reculent\ les autres réconfortent comme ils peuvent\ ils disent que rien n'est perdu\ ils disent le chemin est long\ ils proposent des astuces pour tenir\ jusqu'à la semaine prochaine\ des gestes d'affection circulent\ (tape dans le dos ou main sur l'épaule)\ pour montrer qu'ils font bloc\ qu'ils ne sont pas seuls\ puis ils s'en vont\ chacun de leur côté\ ils remontent le col de leur veste\ pour rentrer chez eux\ sans se faire remarquer. @@@ # Code de conduite
ou plutôt, consignes pour créer un cadre d'interaction bientraitant et protecteur Julia Barbelane & cie (2O18). [sudweb.fr/2018](https://sudweb.fr/2018/code-de-conduite/). ~~~~  ==Un Code of Conduct, pour quoi faire ?== ==Dans chaque groupement, collectif ou rassemblement, il y a une culture dominante principale et des personnes qui n’appartiennent pas à cette culture. Ces personnes sont donc sous-représentées dans le contexte, et naturellement, elles sont plus susceptibles d’être « oppressées » par la communauté principale. Souvent, cette oppression se manifeste par des comportements ou attitudes blessantes adoptées sans s’en rendre compte.== ==Ici, les consignes de sécurisation des interactions permettent de créer un contexte « safe » pour celles et ceux qui sont sous-représenté·e·s en mettant en lumière une problématique.== ==Imaginons-les comme un principe de précaution qui permet d’anticiper des situations pouvant aller de l’inconfortable à l’oppressif pour certain·e·s, inhérentes à un contexte.== ==En adoptant ces consignes, nous cherchons à établir un lien de confiance et de soin pour inviter celles et ceux qui sont sous-représenté·e·s à intégrer la communauté en toute tranquillité, dans l’objectif d’encourager et promouvoir la diversité.== ==Concrètement, comment ça marche ?== ==Pour sauvegarder et encourager le cadre auquel nous aspirons, nous avons défini ce qui nous convenait, et ce qui ne nous convenait pas :== ==Les postures encouragées :== ==**L’accueil** : Faisons en sorte que les personnes – de tous horizons et identités confondues – soient les bienvenues, qu’elles se sentent accueillies dans un espace ouvert et chaleureux. Cela inclut, mais sans s’y limiter, les membres de toute ethnie, culture, nationalité, couleur, statut d’immigration, classe économique et sociale, niveau d’éducation, sexe, orientation sexuelle, identité sexuelle, âge, taille, situation familiale, croyance politique, religion, capacité mentale et physique.== ==**La bienveillance et la bientraitance** : Rencontrons-nous avec bienveillance, c’est-à-dire la volonté de viser le bien et le bonheur d’autrui, et assurons-nous d’être bien-traitant en s’assurant que notre manière d’agir concrètement va bien dans le sens de la bienveillance.== ==Les comportements que nous voudrions décourager :== - ==attaques personnelles : menaces, insultes, langage violent dirigés contre une autre personne ;== - ==humour oppressif et langage discriminatoire ;== - ==avances, drague non consentie ;== - ==insistance alors que quelqu’un vous demande d’arrêter ;== - ==encouragement des comportements ci-dessus.== Que faire si vous vivez une situation qui fait référence à ces consignes ? Avant toute chose, sachez que vous êtes légitime de dire que vous n’êtes pas à l’aise avec ce qui est en train de se passer. Vous serez pris·e au sérieux. Vous êtes à l’aise, vous avez de l’énergie : nous vous invitons à signaler son comportement oppressif à la personne concernée et / ou à la Thym. Vous n’êtes pas à l’aise et / ou vous n’avez pas l’énergie : vous pouvez en parler à une personne présente, en qui vous avez confiance, pour que celle-ci contacte la Thym ; ou appellez un·e ami·e de confiance ; ou encore vous rendre dans un endroit et / ou auprès de personnes auprès desquelles vous vous sentez bien. Que pouvez-vous faire si vous êtes témoin d’une situation oppressive ? Les options sont multiples et dépendent souvent du contexte et des personnes en présence. En règle général, nous préconisons : Auprès de la personne qui a vécu une expérience négative : vérifiez que c’était bien une situation mal vécue par la personne ; si c’est le cas, assurez-vous qu’elle se sente bien ; si vous vous en sentez capable, demandez-lui si vous pouvez faire quelque chose pour elle. Si oui, demandez-lui comment elle souhaite gérer la situation, ou comment elle souhaite que vous la gériez ; dans tous les cas, ce qui nous paraît important est de s’adapter aux besoins / aspirations de la personne que vous êtes venu soutenir. Auprès de la personne à l’origine de la situation : l’interpeller ; vérifier qu’elle est disposée à échanger au sujet de la situation ; si oui, lui demander de s’expliquer sur la situation ; sinon, lui proposer d’en reparler plus tard et / ou d’en faire part à la Thym. Il s’agit évidemment d’une proposition non exhaustive qui ne tient pas compte des multiples contextes et personnes. Notre objectif est davantage de conseiller que d’imposer une méthode stricte 2. À qui puis-je m’adresser ? Tou·te·s les participant·e·s recevront, quelques jours avant l’événement, un mail récapitulatif contenant les numéros de téléphone et emails des personnes à contacter et nous les afficherons aussi pendant l’événement pour qu’ils soient accessibles facilement. Que se passe-t-il si les consignes ne sont pas respectées ? Une fois informé·e·s, nous avons l’intention de faire quelque chose, tout en étant bien conscient·e·s que chaque situation est différente. Nous aspirons en priorité à soutenir les personnes qui ont vécu une situation négative. Nous agirons en priorité pour le bien-être de la personne qui a vécu une expérience négative, afin qu’elle se sente mieux. Idéalement, nous construirons la réparation avec elle, mais pas obligatoirement – cela dépendra d’elle. En ce qui concerne la personne à l’origine de la situation, l’exclusion est possible mais en aucun cas n’est obligatoire. Il y a une granularité possible. D’ailleurs nous sommes plutôt partisan·e·s d’une granularité. 1 : par safe, nous désignons un climat de confiance, de tranquillité et d’harmonie dans lequel chacun·e se sent pris en compte, en sécurité affective et émotionnelle. C’est un contexte dans lequel personne n’a besoin d’être sur ses gardes et qui libère des angoisses liées au regard de l’autre, à son jugement, à sa capacité à se moquer de soi ou de ses erreurs et à exiger des justifications. ↵ 2 : comme le fait remarquer David, nous rappelons à toutes fins utiles qu’il existe en France un cadre légal de lutte contre les discriminations. ↵ @@@ # Contre l'alternumérisme Julia Laïnae et Nicolas Alep (2020). [979-10-95432-22-7](https://www.zotero.org/groups/5025104/thomas_parisot_-_prsentations/collections/7QSWMJ7W/items/YJV7SACA/item-details) ~~~~  Le numérique se substitue de plus en plus à la politique, s'imposant comme seul modèle de réponse aux souffrances morales, aux questions sociales et environnementales. Il permet d'éluder le nécessaire questionnement philosophique quant au monde dans lequel nous vivons, quant à l'éducation de nos enfants ou quant à ce que serait une vie bonne. Au lieu de tenter de comprendre pourquoi nous nous sentons déconnectés des autres, nous produisons toujours plus de techniques relationnelles, sans voir que celles-ci nous enferment davantage dans des bulles individuelles. Nous cherchons des moyens techniques pour être efficaces et réussir à suivre la cadence sans songer que l'accélération de la société est exacerbée par le rythme et la temporalité qu'imposent ces mêmes machines. Nous créons de nouvelles plateformes dans l'espoir de reprendre un peu de pouvoir politique, sans réaliser que nous nous en éloignons peut-être encore plus, en réduisant la pensée dialectique à un processus de feedback, et la démocratie à un simple échange de signaux. Nous refusons, la facilité de ces techno-solutions, qui empêchent de penser. Elles paraissent séduisantes dans la mesure où elles sont expéditives et confortables : elles consistent à dire que la technologie fera tout, que les experts trouveront des solutions et que les citoyens n'auront qu'à se soumettre aux impératifs d'une « sobriété numérique » plus ou moins consentie. Se gargariser de fausses solutions comme l'utilisation d'un navigateur Web qui protège sa vie privée et plante des arbres ne sert en réalité pas à grand-chose d'autre qu'à apaiser le conflit psychique d'écolos-graphistes ou d'humanistes-geeks en quête d'une vie plus en accord avec leurs valeurs. Si c'est ce que la plupart des personnes attendent des collectifs comme les nôtres, qu'on leur donne des solutions prémâchées, qu'on les conseille sur des «outils numériques au service de la démocratie participative» ou des «gestes à adopter pour être écolo sur le Web», nous ne le ferons pas. Nous en avons marre de la bien-pensance occidentale et urbanisée, plus décidée à s'acheter une bonne conscience qu'à développer une pensée réellement critique, et ce quant à l'ensemble du système technicien. Croire que la Technique ou l'État technicien pourront résoudre les problèmes qu'ils ont engendrés, c'est être soi-même pris au piège d'une foi aveugle. Ellul disait d'ailleurs que « ce n'est pas la technique qui nous asservit, mais le sacré transféré à la technique ». L'alternumérisme témoigne de cette fascination pour le numérique empêchant les uns comme les autres de porter une pensée libérée du carcan de la société industrielle et numérique. Convaincus que le système n'est au fond « pas si mauvais que ça », et qu'il suffit de quelques ajustements pour qu'ils puissent vivre durablement dans un monde de prothèses électroniques les alternuméristes cherchent moins à s'opposer qu'à aménager leur servitude connectée. @@@ # Quand je ne dis rien, je pense encore Camille Readman-Prud'homme (2021). [978-2-924652-35-0](https://www.zotero.org/groups/5025104/thomas_parisot_-_prsentations/collections/7QSWMJ7W/items/AAEXADC4/item-details). ~~~~  tu protèges tes tristesses, car tu sais que si tu en ignores l'origine elles te seront confisquées. souvent, ce que tu entends à la radio te boule-verse, il y a les mille détours parcourus par celles et ceux qui ont dû s'exiler, il y a les graves accidents, il y a la souffrance au travail. quand des couples se séparent, tu en es toujours trop affligée, chacun porte sa peine et toi aussi/tu vis comme un champignon, ton cœur s'étend comme le mycélium, tu débordes de ton corps comme de ce qui te vise, alors quand on te demande ce qui t'affecte tu ne peux pas dire la vérité bien longtemps. tu protèges aussi tes joies, car souvent elles surviennent pour des insignifiances comme lodeur de la pluie en juillet ou les couteaux qui coupent bien. quand les gens reçoivent de bonnes nouvelles tu te réjouis complètement, et peut-être un peu trop. tu sais qu'il faudrait ménager l'usage du mot amour, mais tu le dépenses, pour les poignées de porte en laiton, et les personnes qui hésitent. on croit que ceux qui ne parlent pas\ ne pensent rien \ que ceux qui sourient\ sont heureux @@@ # Refuser d'être un homme John Stoltenberg (1988). [978-2-84950-381-2](https://www.zotero.org/groups/5025104/thomas_parisot_-_prsentations/collections/7QSWMJ7W/items/PFZ6RAYB/item-details). ~~~~  Mais les hommes n'expriment pas leurs émotions. C'est du moins ce qu'on dit. En fait, tout au long de l'histoire, les hommes, en tant que classe, ont toujours exprimé leurs émotions, avec éloquence et abondance. Les hommes ont exprimé leurs émotions à propos des femmes, de la mort et des pères absents, et ils ont fait de ces émotions des religions. Les hommes ont exprimé leurs émotions à propos des femmes, de la richesse, de la possession et du territoire et ils ont transformé ces émotions en lois et en États-nations. Les hommes ont exprimé leurs émotions à propos des femmes, du meurtre et de la masculinité d'autres hommes et ils ont fait de ces émotions, des bataillons et des bombes. Les hommes ont exprimé leurs émotions à propos des femmes, de la baise et de la colère des femmes contre leur assujettissement et ils ont donné à ces émotions la forme de la psychiatrie. Les hommes ont même institutionnalisé leurs émotions, de sorte que, même si un homme particulier ne ressent pas telle émotion à tel moment, l'émotion est exprimée par les institutions qu'ont créées les hommes. @@@ # Qui a tué mon père Édouard Louis (2019). [978-2-7578-7546-9](https://www.zotero.org/groups/5025104/thomas_parisot_-_prsentations/collections/7QSWMJ7W/items/9SR5PNYC/item-details). ~~~~  (…) un après-midi nous avons reçu un appel de l'usine pour nous prévenir qu'un poids était tombé sur toi. Ton dos était broyé, écrasé, on nous a dit que tu ne pourrais plus marcher pendant plusieurs années, plus marcher. En 2009, le gouvernement de Nicolas Sarkozy et son complice Martin Hirsch remplacent le RMI, un revenu minimum versé par l'État français aux personnes sans travail, par le RSA. Tu touchais le RMI depuis que tu ne pouvais plus travailler. Le passage du RMI au RSA visait à « favoriser le retour à l'emploi », comme le disait ce gouvernement. La vérité, c'était que dorénavant, tu étais harcelé par l'État pour reprendre le travail, malgré ta santé désastreuse, malgré ce que l'usine t'avait fait. Si tu n'acceptais pas le travail qu'on te proposait, ou plutôt qu'on l'imposait tu allais perdre ton droit aux aides sociales. On ne te proposait que des emplois à mi-temps épuisants, physiques, dans la grande ville à quarante kilomètres de chez nous. Payer l'essence pour faire l'aller-retour tous les jours t'aurait coûté trois cents euros par mois. Au bout d'un certain temps, pourtant, tu as été obligé d'accepter un travail de balayeur dans une autre ville, pour sept cents euros par mois, penché toute la journée à ramasser les ordures des autres penché, alors que ton dos était détruit. Nicolas Sarkozy et Martin Hirsch te broyaient le dos. Tu avais conscience que pour toi la politique était une question de vie ou de mort.\ Un jour, en automne, la prime de rentrée scolaire qui était versée tous les ans aux familles pour les aider à acheter des fournitures, des cahiers, des cartables, avait été augmentée de presque cent euros. Tu étais fou de joie, tu avais crié dans le salon : « On part à la mer ! » et on était partis à six dans notre voiture de cinq places - j'étais monté dans le coffre, comme un otage dans un film d'espionnage, c'était ce que je préférais. Toute la journée avait été une fête.\ Chez ceux qui ont tout, je n'ai jamais vu de famille aller voir la mer pour fêter une décision politique, parce que pour eux la politique ne change presque rien. Je m'en suis rendu compte, quand je suis allé vivre à Paris, loin de toi : les dominants peuvent se plaindre d'un gouvernement de gauche, ils peuvent se plaindre d'un gouvernement de droite, mais un gouvernement ne leur cause jamais de problèmes de digestion, un gouvernement ne leur broie jamais le dos, un gouvernement ne les pousse jamais vers la mer. La politique ne change pas leur vie, ou si peu. Ça aussi c'est étrange, c'est eux qui font la politique alors que la politique n'a presque aucun effet sur leur vie. Pour les dominants, le plus souvent, la politique est une question esthétique : une manière de se penser, une manière de voir le monde, de construire sa personne. Pour nous, c'était vivre ou mourir. @@@ # rien dans mon enfance Éric Pessan (2022). [978-2-490-36434-3](https://www.zotero.org/groups/5025104/thomas_parisot_-_prsentations/collections/7QSWMJ7W/items/GUH6LNMT). ~~~~  Rien dans mon enfance ne m'a résigné à accepter que les mensonges avérés de l'État soient simplement requalifiés de faits alternatifs sans que l'opinion publique, disposant pourtant d'une considérable masse de sources d'information, ne s'en émeuve particulièrement. Tout dans mon enfance évoquait une science au service de l'homme, un progrès constant, une technologie émancipatrice, une robotisation libérant les humains des besognes ingrates et accroissant le bien-être et les temps de loisir, une éradication progressive des maladies, une utopie égalitaire et fraternelle, un monde où la notion de liberté définirait la vie des individus et non celle des marchés économiques; tout dans mon enfance - après coup - me semble une gigantesque plaisanterie, ironique et candide, un conte un peu niais dont on m'a bercé pour que - malgré tout - je grandisse durant mon sommeil.
# Ces ouvrages que j'aurais aimé citer
mais ça ne tenait pas en 20 minutes La danse de la vie, mon corps de ferme, la pensée blanche, le viol de l'imaginaire, notre pain est politique, …