Google, ange et démon : faut-il lui confier notre vie numérique ?

Google est une société à la fois adulée et pointée du doigt. La moindre nouveauté résonne sur l’étendue du Web, louée par ses défenseurs, critiquée par ses détracteurs.
Au-delà de ces querelles insipides et totalement subjectives, qu’est-on en droit de penser de Google ?

Aujourd’hui nous confions notre vie à Google avec plus ou moins de visibilité : données personnelles, emails, mots de passe, habitudes comportementales, organisation professionnelle et j’en passe. Est-ce parce que c’est écrit Google que l’on peut dormir tranquille ?

§Quels intérêts à confier sa vie à Google ?

§Des services qui justifient leur taux d’adoption

Rendons à César ce qui appartient à César : de nombreux services Google sont exemplaires et méritent d’être utilisés. Difficile de ne pas faire état du moteur de recherche, LE service qui a révélé Google au monde entier et sur lequel il a basé tout le reste de sa stratégie. Il n’est peut-être pas pertinent sur toutes les recherches (d’où l’intérêt d’avoir un choix de moteurs) mais il faut bien avouer que ses réponses cadrent bien avec les requêtes.
Bilan des courses ? Un moteur employé à hauteur de 90% en Europe ; chiffre qui devrait être atteint fin 2008/début 2009 aux États-Unis.

Comment continuer sans parler de Gmail (emails), Google Maps (cartographie et itinéraires), Google Calendar (agenda), Google Reader (lecteur de contenus syndiqués), Google Apps (solution collaborative pour son propre nom de domaine), Blogger (blogs) et Google Analytics (mesure d’audience), entre autre.

Tous ces services, on aurait du mal à les quitter du jour au lendemain, d’autant plus qu’ils sont gratuits. C’est peut-être à ça que l’on reconnaît un produit indispensable :** il améliore notre quotidien et ne représente pas une contrainte**.

§Des services tournés vers l’utilisateur

Simplexité et Gmail

En plus d’excellents services, Google se paie aussi le luxe de concevoir leurs interface avec brio. C’est ce qu’on pourrait simplexité : une interface simple qui se complexifie sur demande en fonction des besoins.
Vous vous souvenez également avoir cliqué sur message de confirmation pour supprimer, archiver ou déplacer des emails ? Non : à la place vous avez un message Annuler qui s’affiche une fois l’action effectuée. C’est le fameux undo et c’est génial car il permet de se tromper tout simplement. Avec ce procédé, l’erreur est permise puisqu’on peut revenir en arrière. Ce qui n’est pas le cas avec un Êtes-vous sûr ? Oui / Non

Leurs interfaces ne sont pas forcément belles, ne proposent pas d’effets graphiques de furieux mais elles sont claires, lisibles et fonctionnelles. En d’autres termes elles sont ergonomiques et pratiques.

Une raison de plus d’utiliser des services Google.

§La gratuité n’a pas de prix

Pourquoi payer quand on peut avoir quelque chose gratuitement ? Cet adage habille très bien Google puisque tous les services grand public sont gratuits (avec éventuellement quelques options payantes). Je me souviens encore des railleries au lancement de Gmail : 1Go pour ses mails ? Ça sert à rien.
Il n’empêche que pour bénéficier d’une telle capacité à l’époque il fallait mettre la main à la poche. Et effectuer une recherche pour trouver un email datant de 3 ans ça n’a pas de prix … ou plutôt si ça en un : c’est cher, très cher. Mais pas pour Google. Maintenant qui cracherait sur son archivage d’emails ?

Cette gratuité n’est pas de la philanthropie de la part de Google (la Fondation Google est là pour ça). Tout ceci repose quasiment exclusivement sur la publicité. Plus Google affiche de publicités et plus Google gagne de l’argent.
Google Adsense est un véritable cheval de Troie puisque la régie publicitaire va jusqu’à s’imposer sur la majorité des sites du monde entier et … rapporte de l’argent à ses utilisateurs.

En clair, utiliser Google est gratuit mais permet même de générer des revenus. Elle est pas belle la vie ?

§Une innovation qui hisse le Web

Une autre raison de soutenir Google et/ou d’utiliser ses services est en rapport avec la dynamique que le géant a su insuffler au Web : l’innovation. Le grand réveil est apparu avec l’introduction de Gmail et par la suite, de Google Maps. Ces 2 services ont été le catalyseur de ce qui a été bêtement appelé “Web 2.0”. Le Web était tout simplement passé de l’enfance à l’adolescence.

Par delà cet aspect visible, il y a également un travail de l’ombre avec des contributions à des projets libres tels que Mozilla Firefox, Wine ou encore MySQL. Google utilise ces produits et redistribue ses contributions par rapport à son utilisation.
En fournissant une forge nommée Google Code, Google permet aussi à des projets de naître en leur fournissant une infrastructure, certes limitée, à moindre coût.

§De quoi est-on en droit de se méfier ?

§Don’t be evil

Tout ceci paraît bien évidemment idylique : Google est beau, Google est grand, Google est fort. Son slogan est même Don’t be Evil. Ne sois pas mauvais. Sauf que mauvais, Google l’est quelques fois. Notoriété oblige, tout problème est amplifié, à tort ou à raison et se termine parfois en polémique obligeant Google à faire marche arrière.

Des exemples ? La controverse Google Reader et des amis, le scandale AFP/Google News, l’indexation des livres avec Google Books (anciennement Google Print), la sortie de Google Web Accelerator, les clauses abusives de Google Sites ou encore les failles Gmail sources de fraudes (n’utilisez jamais ces formulaires demandent login et mot de passe par pitié).

On ne peut pas dire que la communication de Google à ce niveau aie été exemplaire ni … entendue.

§Une communication destructurée

En y réfléchissant, qui sait ce que Google va lancer dans 1, 2, 3 ou 6 mois ? Pas grand monde. Si on sait que le Master Plan est la clé de tout, toujours est-il qu’on ne sait pas et qu’en dehors des annonces de produit, Google cultive le mystère.

Cette stratégie a beau limiter au maximum les plagiats de la concurrence mais ça limite également grandement la visibilité sur les objectifs de Google. Aux questions Quand est-ce qu’un service sera amélioré ?, Quel service a été arrêté ? ou encore La faille a-t-elle été corrigée, vous apprendrez bien souvent les réponses à vos dépends.

Cette communication du blackout est problématique pour une société censée … agréger et traiter l’information. Je pense qu’un peu de transparence et une meilleure organisation de l’information interne à Google lui éviterait quelques déboires et des inquiétudes de la part d’utilisateurs.

Google Web Accelerator stats

§À la merci d’une politique obscure

Quand on aime, on ne compte pas. Et on se retrouve avec une majorité de produits Google dans notre quotidien.
Ces produits sont nombreux, variés et certains sont totalement inconnus. C’est comme ça que certains produits ferment du jour au lendemain sans qu’on sache trop pourquoi si ce n’est qu’ils sont peu utilisés.

Attention à ne pas prendre de raccourci : quand on lance beaucoup de services il est normal que certains meurent. Pourtant à côté de ça certains subsistent alors qu’ils sont pestiférés (Google Directory ou Google Web Accelerator). On ne sait jamais QUAND ça va arriver, on ne sera jamais prévenu AVANT. Difficile de baser un produit dessus ou d’en faire une fonctionnalité sur son propre site avec une telle politique.
Votre épicier vous prévient avant de partir en congès alors pourquoi pas Google ?

Le pire c’est peut-être quand on n’utilise pas Google mais une société que Google rachète : les clients d’Urchin et de GrandCentral se mordent encore les doigts de ces acquisitions. À peine rachetés, ces services ont été fermés/non-maintenus. Il aura fallu attendre 3 ans pour qu’une nouvelle version du logiciel Urchin sorte … en beta. C’est d’autant plus problématique que c’était le logiciel de sa catégorie le plus abouti.

§Conclusion

Je ne fais pas partie de ceux qui adulent corps et âme Google.
Je ne fais pas non plus partie de ceux qui lui crachent dessus systématiquement.

Je suis un utilisateur de Google qui apprécie ses produits pour ce qu’ils sont, pour leur utilité et leur conception. À juste titre je me sens concerné par l’attitude de la société. Parler à des millions d’utilisateurs n’a rien de facile je le concède largement mais un développeur travaillant avec des outils Google, une société travaillant avec des outils Google ou même un utilisateur employant avec des outils Google ne devrait craindre la fermeture d’un service et la perte des données qui s’ensuit.
Google applique des principes d’ergonomie astucieux sur ses interfaces. Cela devrait être la même chose avec ses clients. Une trop grosse partie du Web repose sur Google pour que celui-ci ne se permette de devenir evil, ne serait-ce qu’un peu.

À l’heure actuelle la bulle Google a perdu de sa stature avec une action malmenée en Bourse, des services qui évoluent peu/pas et un attentisme important vis à vis d’Android (système d’exploitation sur téléphone mobile) et d’OpenSocial (réutilisation des données entre sites pour éviter de vous recréer sempiternellement vos listes d’amis, entre autre). Ce dernier a été annoncé au moment où Facebook volait la vedette au journal de 20H. Qu’en est-il maintenant que la starification est retombée ?

Il est important d’avoir un regard critique sur les services employés et sur les méthodes pratiquées. Être fan d’un produit est aujourd’hui dangereux si c’est pour être enfermé par celui-ci. On en paie aujourd’hui les conséquences avec Internet Explorer, par exemple, devenu un véritable fardeau pour Microsoft dans sa version 6. Tout le Web aimerait s’en débarasser. Mais beaucoup se sont basés dessus et exclusivement dessus.
L’Histoire peut très bien se répéter avec une situation monopolistique de Mac qui a la fâcheuse habitude d’enfermer ses utilisateurs en verrouillant et protégeant à n’en plus finir.