Bilan et auto-critique du cours de communication interactive à Sciences-Po Bordeaux

J’ai eu la chance et le privilège de pouvoir dispenser des cours à des élèves en Master 2 Communication Publique et Politique, alias CPP. Il s’agit d’un cursus commun entre l’ISIC et Sciences-Po Bordeaux. D’ailleurs, les 2 semestres sont partagés entre les 2 instituts.

L’intitulé de mon cours était sobrement Communication interactive, dispensé en 4 séances de 3 heures chacune.

§Les défis et problématiques

Ce cours a été un défi pour moi, pour plusieurs raisons :

  • ce n’était que ma deuxième expérience d’enseignement universitaire
  • c’était la première fois sur un sujet lié à la communication
  • c’était surtout à un niveau élevé, Master 2
  • enfin, j’ai à peu près 3 wagons de retard sur la communication politique où, Internet mis à part, j’ai assez peu de bagage théorique et pratique

Ma problématique est assez simple à expliquer : il me fallait pouvoir précéder leur pensée, apporter un contenu que les élèves ne connaissaient pas, ou superficiellement, et si possible, d’une manière différente.

Pourquoi différente ? Car je ne suis pas enseignant, je n’ai pas reçu cette formation et je n’ai pas vocation à l’être. Les meilleurs expériences que j’ai vécu en tant qu’élève étaient celles où on ne voyait plus le professeur en tant que tel, mais comme une source inépuisable de savoir, un être faillible, humain, capable de nous enseigner tout comme nous interroger, sur le cours ou ce que nous sommes.

L’autre défi se situait sur le format du cours : 3 heures. Cette durée est visiblement assez peu fréquente et pose une problématique d’attention, sur un sujet à forte vocation interactive. Parler d’Internet sans avoir la possibilité d’expérimenter en même temps, il faut avouer que ce n’est pas vraiment évident. En tous cas, pour l’immersion et la dynamique de l’échange (même si ça ne les réduit pas à néant, loin de là).

§L’organisation du cours

N’ayant « que » 4 séances mais surtout 3 heures à remplir à chaque fois, j’ai découpé mon cours comme suit :

  1. Internet et le Web : présentation du support et différences avec un modèle de communication dit classique
  2. Les blogs : mode d’emploi
  3. Questions & réponses sur l’utilisation du blog + comment mesurer l’impact de sa communication en ligne
  4. Utilisation des réseaux, sociaux ou pas, et moyens de diffusion d’un contenu publié

Il s’agissait en fait d’adapter le contenu de mon livre, Réussir son blog professionnel, en l’étayant et en le mettant en pratique par un public pas nécessairement au fait.

§L’évaluation

L’évaluation a donc tout naturellement porté sur la** mise en œuvre d’un blog individuel** (1 seul auteur). J’ai souhaité leur laisser carte blanche sur le contenu, tout en essayant de faire comprendre que le but était d’adopter une démarche professionnelle : blog d’association, d’entreprise ou personnage fictif.

Au-delà de l’évaluation, je souhaitais surtout les confronter à la difficulté du choix : que faire, comment et avec quoi ?
Tout en rendant l’exercice ludique (en tout, près de 3 mois pour le réaliser, sur un sujet libre − on ne peut pas dire que ça soit stressant), je voulais qu’ils se plantent maintenant plutôt qu’une fois en entreprise ou collectivité. Pour la simple et bonne raison que je me fiche d’un raté, l’essentiel étant de comprendre quelles sont les erreurs et où elles se situent.

De ce fait, j’ai noté sur une base de réussite, d’atteinte d’objectifs et non sur une sanction d’erreurs. Il y avait en tout 10 points de contrôle :

  1. Bonne utilisation des libellés et catégories
  2. Bonne utilisation des articles et des pages
  3. Effort éditorial
  4. Compréhension de l’objectif du blog par l’internaute
  5. Adéquation entre le contenu du blog et les thématiques/motivations exprimées par l’auteur (voir ci-dessous)
  6. Lisibilité du texte
  7. Orthographe
  8. Bonne utilisation des liens internes/externes
  9. Ce blog est-il réellement présentable/utilisable dans un contexte réel
  10. Impression générale

Chaque point pouvait être noté entre 0 et 1, par palier de 0,25 point. Je n’aime pas l’idée que ça soit réussi ou raté donc j’ai voulu pouvoir nuancer la réussite.

J’ai également utilisé la fonctionnalité de formulaire de Google Docs pour relever les copies (numériques). J’ai demandé aux étudiants de renseigner ces différents champs :

  • Prénom & Nom
  • Adresse email
  • Adresse du blog
  • Thématiques abordées
  • Quelles étaient les idées et motivation dans la création de ce blog ?
  • Quels problèmes ont été rencontrés ?
  • Ces problèmes ont-ils été résolus ?
  • Continuriez-vous le blog après cette expérience ?
  • Vos critiques, positives ou négatives, à propos du cours
  • Quel(s) sujet(s) auriez-vous aimé voir traité,  et qui n’a pas été abordé ?

Le point de contrôle #5 était donc lié à la mise en pratique des thématiques abordées, ainsi que les idées et motivations. Bon, tout le monde était cohérent avec son idée de départ. Plutôt rassurant pour des étudiants en 5ème année ;-)

Cette grille n’est pas à mon avis parfaite. Je pense notamment à ce point #5, un peu trop facile et redondant avec le #4.
Vous auriez peut-être complété avec d’autres choses ?

Répartition des réponses à la question « Continuriez-vous le blog après cette expérience ? »

Avant d’expliquer le graphique ci-dessus, petit rappel des faits. Lorsque j’ai débuté ce cours, de mémoire, il n’y avait qu’1 ou 2 élèves qui géraient un blog de manière active. Une poignée d’autres élèves avaient déjà eu l’occasion d’en utiliser mais visiblement, pas de manière approfondie ou intensive.

Ce que j’en retiens c’est qu’un certain nombre d’élèves se sont pris au jeu et dépassé le simple cadre de l’exercice noté. Ça correspond d’ailleurs plus ou moins aux élèves qui ont eu les meilleures notes. J’y vois donc un rapport d’implication fort, couplé à une compréhension de l’outil qui leur en a conféré une maitrise rapide. Je ne parlerais pas de plaisir immédiat mais pas loin ;-)

§Erreurs courantes des étudiants

Je ne m’étalerai pas sur les aspects positifs pour la simple et bonne raison que l’exercice a été réussi dans l’ensemble, de manière inégale. Probablement par la liberté laissée d’ailleurs. On y reviendra.
Chaque étudiant recevra mes remarques de manière individuelle, histoire de progresser et savoir sur quels points porter davantage d’efforts la prochaine fois.

Globalement, les erreurs que j’ai rencontré :

  • manque de mise en forme du texte (utilisation de listes à puce en lieu et place des listes manuelles à base de tirets, emphases)
  • absence quasi-systématique de moyens de contact (adresse email, formulaire)
  • rareté de liens sortants, blogroll mise à part

C’est d’ailleurs assez étonnant ce dernier point, surtout de la part de communiquants. Peut-être encore la tradition de la communication à sens unique ? Ou la peur de perdre l’internaute ?
Toujours est-il que ce n’est pas une fatalité et j’espère bien qu’ils comprendront que le maillage de l’information est un vecteur de fidélisation. L’internaute ne reviendra pas que s’il trouvait le blog peu intéressant.

§Mes erreurs/lacunes

Je ne suis pas en reste sur les erreurs.

Paradoxalement, je remarque que plus on laisse de liberté dans un cadre scolaire,  plus les élèves sont paumés. J’ai constaté ça en IUT. Je le constate à nouveau en Master. Cette fois j’avais davantage cadré les choses mais la structure même du cours en a dérouté plus d’un.
À vrai dire, le seul cadre que je m’étais fixé, c’était celui indiqué plus haut ; à savoir les thématiques à aborder. J’ai eu assez peu de temps pour préparer les cours − je ne l’ai pas pris non plus. Le résultat s’est fait ressentir à certains moments.

On m’a reproché de ne pas assez faire le parallèle avec les institutions publiques ou des exemples politiques. C’est vrai. J’ai creusé le sujet avant les cours mais c’est là où je me rends compte que je ne pouvais pas rattraper mon retard, et pas uniquement en comptant sur Google. Ça sent les cours particuliers avec les dieux de l’audit de l’ISIC tout ça.

J’ai également manqué de clarté dans les consignes de départ. Et pour cause : l’exercice n’était pas encore clair dans ma tête. J’ai fait évoluer les règles du jeu au fur et à mesure.
Si je  pense que la formule d’évaluation à garder, j’aurai davantage de bases sur les consignes de travail à fournir pour la prochaine fois.

Dernier reproche : pas assez de cours pratiques. Autrement dit, il manquait un cours où je ne faisais que de l’assistance, où je montrais à l’écran, étape par étape comment créer un blog. Clairement non. Ma valeur ajoutée n’est pas à cliquer sur des boutons. Je préfère largement que les élèves galèrent, cherchent et trouvent. On n’en retient que mieux. Surtout sur des manipulations informatiques qui ne sont pas aussi complexes que la manipulation d’un outil à la Sphinx ou SAS.
J’étais accessible pour répondre aux questions pendant les cours, chose que j’ai fait. Ce temps était plus utile, car il répondait à des besoins bien précis.

Par contre quelque chose que je ne changerai pas, c’est la formule : on m’a reproché de tenir une discussion. C’est justement ce qui me plait. C’est ce côté déstructuré où le public peut influer sur le cours de la conversation et par là même, sur le contenu même qu’il apprendra. Là encore, il faut jouer le jeu sinon on retombe dans le classique cours magistral, et franchement, pour un domaine aussi vaste, en perpétuel mouvement et à de si nombreuses facettes, j’aurais du mal à m’y résoudre.
Même pour le bon plaisir de rassurer.

§Conclusion

Je suis satisfait du cours et à en lire les remarques, les élèves aussi. Certains se sont révélés, peut-être à eux-même, et ont au moins découvert dans un contexte convivial l’utilisation d’un outil aux multiples facettes, utilisable aussi bien à titre personnel que dans un contexte professionnel, dans leur association, en entreprise ou en collectivité.

J’ai tiré mes enseignements … de mon enseignement.
Et si je suis satisfait que les élèves aient pu se sentir concernés par mes demandes de remarques et critiques, je suis également content d’avoir pu offrir ma vision de l’Internet d’aujourd’hui et de demain. Et d’être transparent sur toute la ligne, jusqu’à ce point final.