☕️ Journal : Dualisme

Je ne connaissais rien à la vie de Gilles Deleuze, alors j’ai demandé à quelqu’un·e une suggestion de livre pour commencer. C’est “Dialogues” qui m’a été suggéré.

Au chapitre 2, je me prends la claque du dualisme dans la face :

Quel que soit le ton, le procédé questions-réponses est fait pour alimenter des dualismes.

Blanc ou noir ? Gauche ou droite ? Pour ou contre ? Hétéro ou homo ? Masque ou pas masque ? Réussite ou échec ?

En fait, ce sont des simplifications qui compressent la complexité de la réalité — pire, elles effacent l’existence de toute autre réalité que celle des deux choix proposés.

J’ai compris pourquoi je n’aimais pas les “débats”. Un camp doit avoir raison. L’autre a forcément tort. Dualisme au carré.

Deux pages plus loin, Gilles Deleuze et Claire Parnet écrivent :

Mais en fait la machine binaire est une pièce importante des appareils de pouvoir.

Tu es dans le droit chemin ou tu es fautif. Sans attestation tu as forcément tort. L’autorité a raison.

Mais les écarts de déviance seront mesurés d’après le degré du choix binaire : tu n’es ni blanc ni noir, alors tu es arabe ? Ou métis ? Tu n’es ni homme ni femme, alors travesti ? C’est cela le système mur blanc-trou noir.
Et ce n’est pas étonnant que le visage ait une telle importance dans ce système : on doit avoir le visage de son rôle (…). Même le fou doit avoir un visage conforme à ce que l’on attend de lui.

La presse nous abreuve de dualismes. La publicité est son bras armé.


Désormais je reste silencieux dans une conversation qui ne propose que deux vues possibles, qui rejette une troisième voie, ou un spectre de possibles, qui me demande de prendre parti.

Je choisis la multiplicité, la complexité, et la recherche du lieu où on se rejoint.