☕️ Journal : Deux pièces au fond de la poche

Il est à peine sept heures du matin, et les couloirs de la gare s’animent un peu plus à chaque minute qui passe, à chaque nouveau train annoncé à quai.

J choisit le petit kiosque à café posté à l’entrée du quai E/F. Une personne se fait servir avant nous. Il attend patiemment en discutant avec la barista. Iels rigolent ensemble.
Vient notre tour. Un thé. Un café. J paie. C’est le moment où mes doigts rencontrent deux pièces qui se baladent au fond de ma poche. Surement des pièces de 2€.

L’homme qui nous précède a été servi, et n’a pas encore trempé les lèvres dans son café. Il n’a pas non plus demandé de couvercle pour son gobelet. Il a les mains usées, le visage travaillé par la vie, le regard vif. Son manteau est neuf et trop grand pour lui.

Une autre personne commande. Elle paie avec son téléphone. Un autre homme passe, lentement. Son vêtement est orné d’un liseré orange. Il échange quelques mots avec notre premier homme. Ils se parlent, se répondent, c’est fluide.

J est partie. Mes doigts continue de jouer avec les pièces de monnaie au fond de ma poche. Mon regard se confond, j’hésite, je doute, je laisse cheminer la sensation pour distinguer l’intention, les observations, les projections et l’impact d’une possible erreur de jugement.

Vous acceptez les cafés suspendus ?

Un regard écarquillé accueille ma question. La surprise persiste, et la barista finit par dire :

Je ne connais pas ? Ou vous voulez dire, c’est quand vous offrez le café d’avance, à des gens que vous connaissez et qui vont venir plus tard ?

Je sors les deux pièces du fond de la poche, et les pose sur le comptoir en métal rouge :

Là, c’est comme si je payais d’avance deux cafés à des personnes que je ne connais pas, qui viendraient les demander, sans avoir à les payer.

Je ne sais plus ce qu’elle répond. Mon attention se (dé)tournait vers l’homme au regard doux. Il se rapproche remercie car vraiment ça fait plaisir de constater un geste qui vient du fond du cœur. J’imagine veine et artère comment des néons qui parcourent un chemin entre le cœur et le bout des doigts. On se regarde se voit pour qui on est il lève le poing je lève mon poing et on fist-bump en guise de merci et d’au revoir.