L'affaire Fuzz : quand la blogosphère ne comprend rien
L’affaire Fuzz a fait beaucoup de bruit en plus de 3 semaines. Toute la “blogosphère” a d’ailleurs apporté un soutien plus que massif à ce qui apparaît à première vue comme une injustice totale.
On ne peut hélas faire beaucoup de bruit et réfléchir en même temps à en croire tous les moutons de Panurge qui s’indignent du délibéré. La raison ? Ils ont à peu près tous fait l’amalgame entre Fuzz et Presse-citron mais aussi, bien pire, l’amalgame entre liberté d’expression et responsabilité.
Avant toute chose, je tiens à recommander la lecture de Affaires Fuzz, Dicodunet, lespipoles et autres : et si le juge avait raison ? et Pour une liberté d’expression sur le Web.
Leur avis est pondéré et pragmatique. À peu près tout ce qu’il a manqué à la foule en délire criant à l’assassinat de la liberté d’expression.
§Qu’est-ce que l’affaire Fuzz ?
Fuzz est un site de promotion de contenu calqué sur Digg. Son éditeur a été incité à comparaître pour atteinte à la vie privée. Il se trouve qu’une personne avait publié sur Fuzz un ragot à propos d’un mariage possible entre Kylie Minogue et Olivier Martinez.
L’éditeur de Fuzz n’est autre qu’Éric Dupin, blogueur superstar sur Presse-citron. Lui, et d’autres personnes accusées, ont fatalement perdu le procès, loin des peines initiales demandées.
Tout le détail est à peu près raconté sur le tag Fuzz sur Presse-citron (manque juste la pagination).
§Mettons les points sur les «i»
Je ne suis pas partisan de la méthode employée vis à vis des personnes ayant colporté, volontairement ou involontairement, cette vraie/fausse rumeur étant donné qu’aucun d’entre eux n’a reçu d’avertissement. Ce fût directement le procès sans autre possibilité de négocier à l’amiable.
C’est également dommage que ça soit Fuzz qui ait fait office de plat de résistance. Ça aurait pu tomber sur quelqu’un d’autre (et ça a été le cas) et c’est un peu la faute à pas de chance.
De là à dire que cette affaire n’ait été montée que pour créer un superbe buzz il n’y a qu’un pas mais hélas, aucune certitude. Si c’était le cas c’est très réussi.
§Fuzz / Presse-citron : l’amalgame prévisible
Il était évident qu’en s’attaquant à Éric Dupin l’affaire s’ébruite sur son blog. Ni une ni deux, des mouvements de soutien ont été créé en sa faveur. C’est tout à fait louable mais combien parmi eux ont vraiment réfléchi et se sont construit une opinion vis à vis du procès ?
La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre et a alimenté nombre de quotidiens et de journaux, en ligne ou papier. Mais bien souvent en mettant trop en avant Éric comme étant Presse-citron. Ce n’était plus Fuzz qui se prenait un procès, c’était Presse-citron.
Et c’est Presse-citron qu’ont défendu les blogueurs.
Ce n’est pourtant pas le cas.
§Fuzz coupable : injustice. Vraiment ?
Lorsque la nouvelle est tombée, la “moutonsphère” s’est encore étranglée en pensant qu’on en voulait à leur liberté d’expression, en imaginant qu’ils allaient se prendre un procès à chaque fois qu’ils publiaient un lien dans leurs articles.
Faut pas s’inquiéter :
- si les blogs qui ont affirmé ça ont pensé qu’ils étaient intéressants au point d’intéresser des avocats, ça se saurait
- la responsabilité éditoriale qui a été engagée n’a rien à voir avec le fonctionnement d’un blog
- et puis je le répète, ce n’est pas le procès de Presse-citron (les mononeuraux ont la tête dure)
Et c’est finalement très bien que cette affaire ait été médiatisée puisqu’il a permis de mettre le doigt là où ça fait mal : la modération du contenu généré par les utilisateurs. Fuzz a été épinglé pour ça et pour rien d’autre, l’atteinte à la vie privée n’est qu’une conséquence de cette incapacité à réguler le flux éditorial.
Internet n’est pas un État de non-droit, rien n’est virtuel, tout est réel. On ne peut pas dire ce qu’on veut, écrire ce que l’on veut. La liberté d’expression ce n’est pas dire tout ce qui nous passe par la tête. C’est pouvoir exprimer une opinion sans crainte de répression.
Colporter une rumeur n’est pas une opinion. Véhiculer une fausse information n’est pas une opinion.
Yahoo! a dû bannir la vente d’objets nazis.
Ebay a dû bannir la vente d’objets nazis.
Ça revient à dire qu’on ne peut pas fermer les yeux indéfiniment sur le contenu apporté par ses usagers, que ce soit matériel ou immatériel.
Alors comment peut-on espérer avoir une attitude responsable quand 200 à 400 liens par jour sont publiés sur un site avec une seule personne à temps partiel pour modérer ça ?
Pour ça, je ne suis pas mécontent du résultat : aucune liberté n’a été contrainte, c’est seulement le bon sens qui s’est appliqué.
§Conclusion
Si certains sites ont réussi à vivre dans le flou de l’édition de contenu sans ressource de modération tant mieux. Seulement il ne faut pas non plus délirer en imaginant que ça continuera éternellement.
Les personnes intelligentes auront compris d’elles-mêmes que leurs blogs ne sont pas en dangers, que la vie poursuivra son cours normalement comme avant. Pourquoi aurait-on peur ? Sans jugement erroné, sans accusation infondée ou sans diffamation pourquoi se prendrait-on un procès ?
Une polémique inutile, une !