Question(s) de résilience personnelle
J’étais de passage à Lyon pour présenter le projet Mind the Gaps à la conférence BlendWebMix. C’est aussi l’occasion de m’aventurer à la deuxième édition du cycle Common Future(s) (documentation de la journée).
Geoffrey Dorne a posé 6 questions pour évaluer notre vécu et nos actions face à la question de l’effondrement. Le sujet me barbe mais j’ai eu envie de jouer le jeu et d’y répondre.
§Comment travaillez-vous votre résilience aujourd’hui ?
Je refuse des choses qui me pèsent ou qui vont à l’encontre de mes valeurs.
Des fois, je me rate. Peut-être que je passe à côté de certaines choses. Comme je ne sais pas, je ne regrette pas. Si je sens que je vais regretter, j’essaie. Si ça ne me plait pas, j’arrête.
Je vis en itinérance depuis le mois de mars pour interroger mes envies et mes besoins, dans l’idée de trouver un endroit de vie à cultiver.
Je travaille à écouter ma boussole interne, à déconstruire les normes, celles que je subis et les autres.
J’écoute les personnes qui subissent des oppressions, j’essaie de comprendre leur vécu, j’essaie de rapporter leur parole.
Je propose des ateliers de boulangerie, pour faire du pain et repartir avec à la maison.
J’entame ma troisième thérapie avec une psychologue pour comprendre, accepter et changer de regard sur des failles qui me font peur ou qui me font perpétuer des oppressions.
§Comment utilisez-vous votre métier pour ce faire ?
Je fais en sorte que les productions facturées soient ouvertes, librement accessibles, voire deviennent des communs.
Je privilégie les projets qui ont un impact positif et regénératif sur les écosystèmes naturels et humains.
Je privilégie les projets qui renforcent l’autonomie des individus.
Je privilégie les projets qui génèrent des communs (y compris sous d’autres formes que du logiciel informatique).
Je propose du temps libre à des projets et organisations en phase avec mes valeurs (comme le Printemps d’InPACT et la revue S!lence).
§Quels sont les freins que vous avez ?
Je n’ai plus l’impression d’avoir de freins :
- quand j’ai eu besoin de temps, je suis passé au temps partiel (en vidéo) ;
- quand j’ai eu besoin de plus de liberté, j’ai changé de boulot ;
- nous avons créé dtc innovation pour définir un cadre de travail basé sur le consentement et un développement personnel en phase avec nos aspirations.
En ce moment, j’ai l’impression que les opportunités s’ouvrent de plus en plus, au fur et à mesure que j’adapte graduellement mon mode de vie et mon mode de travail au rythme que je souhaite lui donner.
Enfin si, un frein c’est le temps disponible : j’ai davantage d’envies que de temps. Je dois faire des choix pour ne pas trop me disperser. C’est dur.
§Quels sont les étapes que vous souhaitez franchir ?
J’aimerais prendre davantage part au mouvement de mise en relation des producteurs et des consommateurs, peu importe les formes (vente directe, AMAP, épicerie coopérative).
J’aimerais travailler davantage avec les acteurs ruraux, mettre en commun et renforcer leurs connexions.
§Comme il n’y a pas d’issue, comment, intellectuellement, anticipez-vous et vivez-vous cet effondrement à venir ?
Je pense souvent à la mort, à ma propre mort. C’est ce qui m’aide à me focaliser sur ce que j’ai envie de faire, sur ce qui a du sens pour la vie que je souhaite avoir.
Il y a 5 ans, j’écrivais la vision de ma trentaine. Je ne l’écrivais pas par rapport à un effondrement mais à un décalage que je ressentais déjà depuis plusieurs années.
J’ai récemment découvert un mot qui illustre mon ressenti vis à vis de ce décalage : “solastalgie”, inventé par le philosophe Glenn Albrecht.
Finalement je ne cherche pas à anticiper un effondrement mais à faire en sorte de me synchroniser avec mon environnement immédiat.
Pour l’instant, ça me guide vers un environnement de vie plus naturel, plus rural et moins exposé aux villes.
§Nous serons peut-être parmi les dernières générations d’humains, que reste-t-il encore à créer pour ces dernières générations ?
Je me dis régulièrement que ce n’est pas le futur qui est à inventer, mais le présent qui est à soigner, au sens de bien traiter, regénérer.
Ce qu’il faudrait créer : une gestion collective, davantage dans l’intérêt des personnes qui constituent l’organisation en question. Des entreprises, coopératives, associations, communes gérées par les employé·es, coopérateurices, adhérent·es et citoyen·nes.
Au cours de notre itinérance avec Noémie, ces lieux gérés en commun – ces lieux gérés comme des communs — sont les lieux les plus vivants.
Ça passe donc par une écologie de travail, une écologie de vie et une écologie de rapports humains équilibrée et non-destructive.