La Fraternité, pourquoi ?
Description de l'ouvrage
20 citations et notes de lecture
La fraternité ne peut pas venir d’une injonction étatique supérieure, elle doit venir de nous.
Le premier est un logiciel égocentrique : “Moi-je”. Par ce moi-je, chacun s’auto-affirme en se situant au centre du monde, du moins de son monde. Ce logiciel est nécessaire car si nous ne l’avions pas, nous ne serions pas amenés à nous nourrir, à nous défendre, à vouloir vivre.
J’ai besoin d’exister par et pour moi-même, avant tout.
Les êtres humains ont besoin de l’épanouissement de leur “je”, mais celui-ci ne peut se produire pleinement que dans un “nous”. Le “je” sans “nous” s’atrophie dans l’égoïsme et sombre dans la solitude.
Ce passage pointe du doigt quelque chose qui me gêne dans l’application absolue de la loi des deux pieds dans un contexte de groupe interdépendant : l’absolutisation du “je” distancie le groupe.
Mon “je” en prend un coup.
N’oublions pas aussi que la fraternité enfreint la loi de tout régime comportant discrimination et oppression.
J’admire le mouvement des Gilets Jaunes pour ça. Uni·es dans la colère, réunis autour des ronds-points. Combien de ronds-points ai-je vu, transformés en lieux de rassemblement conviviaux.
Et pourtant, ils et elles sont discriminées pour être “les autres”, ceux qui cassent, ceux qui gênent la circulation, ceux qui font des fautes d’orthographe, ceux qui empêchent les boutiques de tourner…
Dans son [Pierre Kropotkine] “L’entraide, un facteur de l’évolution (1902)”, il indique que le espèces les mieux adaptées sont, non les plus agressives mais les plus solidaires.
Ce passage complétait la vision simplifiée qu’on pourrait avoir de “la loi du plus fort” de Charles Darwin. Qui revient à dire que les espèces les plus fortes sont celles qui s’adaptent, et qui coopèrent pour s’adapter à l’environnement changeant.
Une même espèce subit le même sort Darwinien : des mutations apparaissent et seules les variantes de l’espèces survivent. Ça s’applique à l’homo sapiens: Néanderthal correspond à un pan entier de notre espèce qui s’est éteinte, à part.
(…) les écosystèmes comportaient en eux non seulement prédations, agressions, compétitions, mais aussi complémentairement des associations, symbioses et coopérations.
C’est la résistance à la cruauté de tout ce qui est prédateur, biophagique, concurrentiel, qui suscite les entraides et complémentarités, lesquelles créent les multiples solidarités qui sont un caractère non moins essentiel de la vie.
On m’a raconté que la vallée de la Drôme est aujourd’hui riche riche en entraide, parce que c’était une vallée particulièrement dure et austère dans les années 1970.
Là aussi, la coopération des plus résitant·es nous emmène là où est aujourd’hui à une vallée verte et quadrillée de maraîchèr·es de qualité.
(…) la vie obéit à la relation indissoluble entre Concorde et Discorde, que nous pourrions aussi nommer relation indissoluble entre Eros, qui cherche toujours à unir, Polenos, qui cherche toujours à opposer et Thanatos, qui cherche toujours a détruire.
J’aime à gagner ces 3 énergies qui sont en tension dans un groupe : création, compétition, dissolution.
Je ne peux m’empêcher de le lier à la fin du premier chapitre de dtc. On en arrive là parce que l’Eros s’est atténué (ou cantonné au côté individuel), que le Polenos s’est invité petit à petit, pour aboutir à l’appel de Thanatos.
Entraide, coopération, association, union sont des composantes inhérentes à la fraternité humaine. Mais celle-ci les englobe, les enveloppe dans une chaleur affective.
Les groupes dans lesquels je me suis épanoui étaient ceux où je me sentais le plus émotionnellement à l’aise.
Je n’imagine comment on pourrait être ensemble sans affection mutuelle.
De même que je n’ai jamais pu vivre sans amour, je n’ai jamais pu vivre sans fraternité et ne peux continuer a vivre sans amour ni fraternité.
À la perte du sens de la solidarité contribuent le cloisonnement des personnes dans leur alvéole spécialisée de travail, et qui ne disposent d’aucune possibilié d’accéder à une vision ou conception d’ensemble, et aussi la domination d’une pensee qui sépare et compartimente, et qui elle-même ne peut accéder aux problèmes fondamentaux et globaux de la vie en société.
Ajoutons que le mode de connaissance dominant est le calcul, qui traduit toutes les réalités humaines en chiffres, et ne voit dans les individus-sujets que des objets.
La dématérialisation/désintermédiation, les Big Data et Smart City sont les portes-drapeaux de ce grignottage de notre propre humanité.
(…) comprendre autrui comporte la reconnaissance de notre humanité commune et le respect de ses différences.
C’est que me rappelle la signification du salut maya. Leur “bonjour” reviendrait à dire “je suis un autre toi, tu es un autre moi”.
Tout d’abord se multiplient les autonomies individuelles ou communautaires pour échapper aux tentacules des puissances techno-économiques, comme dans l’utilisation d’énergies propres, dans la consommation des aliments échappant à la standardisation et à l’altération industrielles, dans l’abandon des achats de produits aux qualités mythifiées par la publicité et également celui d’objets utilitaires à obsolescence programmée (voitures, réfrigérateurs, ordinateurs), dans le renoncement au jetable au profit du durable, ce qui en même temps favoriserait un artisanat de réparation.
Participent à la constitution d’oasis les développements de l’alimentation locale, saisonnière, fermière ou bio par détoxification des produits agro-industriels et élimination de ceux importés en hiver de l’hémisphère sud, l’abandon progressif des conserves industrielles pour la conservation domestique (fermentation, salaison, enveloppement de matière grasse). Tout cela favorise une agriculture régénératrice des sols, laquelle favorise les modes hygiéniques d’alimentation et les modes détoxifiés de consommation.
Ces oasis sont et seront lieux d’une économie solidaire, lieux de 1a dépollution et la détoxification des vies, donc lieux vie meilleure tout en étant lieux de solidarité et de fraternité.
Toutes ces choses que je (re)trouve en ayant déménagé à la campagne.
Mais ce sont les germes, ébauches d’une civilisation du primat de l’épanouissement personnel dans la fraternité, du “je” dans le “nous”.
Presque toutes les communautés qui se sont formées en Californie dans les années 1960 ont dépéri et disparu, saut celles cimentées par une foi religieuse. Les malentendus, les contestations, discussions, critiques, reproches ont d’abord stimulé la communauté puis ont dégénéré en conflits.
Comme tout ce qui ne se régénère pas dépérit, la fraternité qui ne se régénère pas sans cesse dégénère. Aussi le parti de la fraternité est-il bien le parti en régénération permanente d’Eros contre Thanatos.
Il nous faut éviter l’illusion euphorisante que toute fraternité acquise l’est définitivement.