☕️ Journal : 12 paillettes
L’ordonnance pour le rendez-vous avec læ biologiste du CECOS date du 29 décembre 2021.Le rendez-vous se déroulera le 23 mai 2022 22 juin 2022.
Entre temps, j’aurais pratiqué une sérologie en laboratoire médical. On cherchera à s’assurer qu’il n’y aura pas de trace de HIV, syphilis ou hépatite dans mon sperme (et accessoirement, pour l’opération chirurgicale).
Dans les instructions précisées sur l’ordonnance, il est recommandé une abstinence de 3 à 5 jours avant le rendez-vous, ainsi que de boire 1 litre d’eau la veille.
Je crois que je n’écoute pas grand chose du rendez-vous : j’ai la tête dans le déménagement, et j’ai envie que ça soit fini.
Ce qu’il y a à retenir :
- après le prélèvement[1], il y a environ 30 minutes d’attente pour savoir si “c’est bon” ;
- “c’est bon”, c’est que le sperme est à la fois fertile, que les spermatozoïdes sont suffisamment mobiles, et en nombre suffisant pour de futures inséminations ;
- “c’est bon”, c’est qu’il y a de quoi produire au moins 10 paillettes, l’étalon de conservation du sperme sous forme cryogénisée — celles qui te sont vendues 1000€ pièce sur des banques privées, ou gratuite sur liste d’attente d’un an ou deux en passant par le CECOS[2] ;
- et iel indique que le marqueur RFID de traçabilité des paillettes coûte 30€, que c’est à payer de ma poche ; c’est pas clair si j’ai le choix, mais comme le reste est payé par la sécurité sociale, j’ai envie de dire “oui”.
Retour par la case secrétariat : on me remet un gobelet en plastique, et m’accompagne vers “la salle”. La personne étale un rouleau de papier sur la banquette rigide. Iel me montre du regard les instructions épinglées au mur et conclut par un “et voilà, c’est à vous”. La porte se referme, je tourne le loquet et me sens bien seul tout d’un coup.
La porte de la pièce donne sur le couloir, entre les deux rangées de sièges, une pour chaque secrétariat. J’entends pas et toussotements (dans le coude on a dit !). J’ai connu plus excitant et intimiste comme cadre pour me procurer un orgasme…
Je lis les instructions, étape par étape. Des fois c’est très précis, des fois ça me rappelle les formulations de l’examen du code de la route que j’ai raté 2 fois — ça me donne envie de répondre de plusieurs manières différentes, mais je sais bien qu’on attend de moi une certaine rigidité.
En parlant de ça, la dernière étape consiste à ouvrir le gobelet à vis au dernier moment pour y déposer la semence à l’intérieur. Je m’imagine l’opération, et regrette de ne pas avoir un troisième bras, ça va être juste cette affaire.
Sur la gauche, des instructions. Les mêmes mais pas tout à fait. Bon en gros faut se désinfecter les mains, la zone génitale et contaminer le moins possible le gobelet après avoir pris du plaisir en milieu stérile. Exciting!
Après un temps beaucoup trop long (selon ma main droite)(et mon cerveau, qui se demandait ce qu’on entendait depuis le couloir ou le hall d’attente)(jouir pour les autres, c’est du boulot), je referme le capuchon. Sentiment de fierté et gratitude pour ce travail coordonné entre mains, verge et gobelet.
Je me rhabille et rapporte le sésame au secrétariat. Il parait que j’ai le temps d’aller me chercher un café à l’étage. Pendant que j’avance dans le couloir, cette personne avance à la même vitesse, de l’autre côté du mur, dans la salle remplie de conteneurs cryogéniques.
Au bout d’un temps bien moins interminable, læ biologiste vient me trouver dans le hall d’attente — du second secrétariat (vous avez suivi lequel est lequel ? moi non). On se dirige vers son bureau.
C’est bon.
Je brise le silence. Bon, c’est-à-dire ?
Ça fait deux heures que je suis là, et deux mots pour conclure c’est court.
Les analyses ne révèlent rien d’anormal. On peut faire au moins 8 paillettes. En-deça de 10, il faudra revenir pour compléter le prélèvement.
Je me sens démuni. J’aimerais en savoir plus, mais je n’ai ni le vocabulaire, ni l’angle d’approche pour obtenir davantage de contexte. Donc c’est tout, là j’y vais.
Si c’était un date, probablement qu’on ne se reverrait jamais. On ne s’échangerait même pas nos numéros de téléphone. Ambiance.
Quelques mois plus tard, je reçois deux courriers.
Un premier qui contient le résultat des analyses. Sans les sous-titres. Des chiffres et des lettres. Vraiment j’aurais pas dû trainer autant près du radiateur en seconde, ou alors ça n’a rien à voir, parce que ça n’était pas au programme.
Un second courrier contient la facture des 30€ des marqueurs RFID. Ça se fait en quelques clics. Probablement la partie la plus facile de tout le processus. J’ajoute mentalement ces 30€ au tickets de train, et aux quelques nuits d’hôtel pour être là à 9h. Ou profiter de Lyon quand le rendez-vous est annulé la veille.
J’ai envie de dire : il ne faut pas avoir les cordons de la bourse trop serrés, sinon on n’y voit goutte !